Environnement et santé intergénérationnelle

Le concept du système reproducteur comme « capteur » de conditions favorables ou défavorables a créé un nouveau champ d’étude qui est en émergence au CRDSI : le lien entre l’environnement et la santé intergénérationnelle. À cet égard, le cas de la production laitière est particulièrement intéressant. Comme l’objectif est d’induire une gestation durant le pic de production de lait afin que la mise-bas survienne à la fin de la période de lactation, il s’avère que l’animal est peu fertile durant cette période critique. Cette baisse de fertilité serait associée à la programmation de l’ovule fœtale où le métabolisme de la mère signale un processus adaptatif au fœtus qui se traduirait par une baisse de fertilité de la descendance. Les processus biologiques, cellulaires et moléculaires en action ne sont pas encore connus mais l’origine épigénétique de cette adaptation à un environnement particulier est présentement en avant-plan.

Ce lien existant entre les fonctions reproductives, la qualité de l’environnement et les performances de la descendance est de plus en plus clair chez l’humain. En effet, plusieurs études démontrent un risque accru de développer diverses maladies suite, par exemple à la fécondation in vitro ou quand les conditions de grossesses ne sont pas adéquates ou quand les parents affichent un surplus de poids. La fécondation in vitro est aussi associée à un risque accru de développer une maladie associée à un dérèglement d’un gène à empreinte parentale comme les syndromes de Beckwith-Wiedemann, Silver Russel, Angelmann ou Prader Willi. Les gènes à empreinte parentale se définissent par le fait qu’un seul des deux allèles (celui de la mère ou celui du père) s’exprime. Une expression des deux allèles est à l’origine des divers syndromes et il semble que l’environnement dans lequel baigne l’embryon précoce influence l’établissement des marques épigénétique qui contrôle l’empreinte parentale. Il est aussi de plus en plus clair que le développement précoce et fœtal représente une fenêtre sensible démontrant une grande plasticité face à la programmation du génome qui aura des répercussions à long terme. L’adaptation aux conditions environnementales que vit la mère peut être à l’origine d’un désordre métabolique de la descendance une fois adulte. De plus, il a été démontré que les conditions de vie des parents, autant du père que de la mère, influencent la qualité des gamètes et les patrons de marques épigénétiques de leur génome. Certaines de ces marques qui diffèrent dans les gamètes des parents lorsqu’ils sont soumis à des conditions environnementales différentes sont également détectées dans l’embryon issu de l’union de ces gamètes. Ceci soulève une toute nouvelle perception quant au potentiel de transmettre une mésadaptation environnementale à la descendance ouvrant une nouvelle porte au niveau des impacts intergénérationnels des conditions de vie. Parmi ces conditions on retrouve le statut métabolique et l’alimentation des parents mais également l’exposition aux différentes toxines environnementales. L’étude de la transmission intergénérationnelle des habitudes de vie et des perturbations issues d’une exposition toxicologique à des produits trouvés dans l’environnement représentent des secteurs émergents qui touchent de près les processus biologiques de la reproduction.                     

En ce sens, plusieurs membres du CRDSI ont au cours des dernières années ajoutés plusieurs aspects touchant l’influence des conditions environnementales sur les fonctions reproductives et la qualité des gamètes. Du point de vue éco-toxicologique,Janice Bailey travaille depuis quelques années sur l’impact de la contamination aux organochlorés dans le Grand Nord sur la qualité des spermatozoïdes, des ovules et sur le potentiel d’induire des pathologies à la descendance.Marc-André Sirard étudie les effets génomiques et épigénétique de plusieurs sous-produits de chloration sur l’embryon porcin comme modèle. En complément,Géraldine Delbès étudie l’impact des sous-produits du processus d’ozonation dans le traitement des eaux alors que le Jacques J Tremblay travaille sur l’impact des plastifiants qui sont des perturbateurs endocriniens tous les deux sur les fonctions testiculaires. Le processus reproductif implique d’énormes changements aux niveaux cellulaires et moléculaires et puisque ces événements ont lieu au cours d’étapes critiques dans la conception d’un nouvel organisme, le processus reproductif représente une fenêtre d’opportunité pour le dérèglement génétique/épigénétique qui peut mener au développement de maladies.

Les équipes de Claude Robert et Marc-André Sirard travaillent aussi à étudier les impacts des conditions de croissance du jeune embryon sur sa qualité et sur sa programmation génétique et épigénétique ayant en point de mire que des déviations dans ces programmes pourraient avoir des répercussions à l’âge adulte. Ces travaux prennent en compte des perturbations ayant lieu au cours de la première semaine de vie  alors qu’Emmanuel Bujold et Nils Chaillet étudient une fenêtre plus large en prenant en compte l’influence des conditions de la grossesse au cours des premiers mois de vie. Leurs travaux ont pour objectifs d’étudier les signes cliniques très précoces avant-coureur d’un pronostique à développer une maladie périnatale comme la pré-éclampsie. Poursuivant dans l’échelle temporelle développementale, le programme de recherche d’ Yves Tremblay est dédié au syndrome de la mort subite du nourrisson qui touche plus fréquemment les garçons. Ces travaux montrent que le développement pulmonaire est régi non seulement par les hormones sexuelles, mais également par des impacts complexes de déterminants environnementaux.

Projets de recherche- Axe 3